Le vin à l’aune du changement climatique

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  Le vin à l’aune du changement climatique

Vinexpo © Sebastien Blanquet-Rivière

Retour sur le symposium co-organisé par la Région Nouvelle-Aquitaine sur « changement climatique et vin » dans le cadre du salon professionnel international dédié aux vins et spiritueux Vinexpo, à Bordeaux, ce mardi 14 mai.

« Nous voulions montrer combien cette filière a déjà anticipé un certain nombre de problématiques et se pose des questions pour lesquelles nous n’avons pas toutes les réponses. Cette filière est très sensible au changement climatique et il y a une volonté de ne pas délocaliser nos productions : nos terroirs sont reconnus mondialement pour leur vins et leurs spiritueux », prévient le président de Vinexpo, Christophe Navarre en ouverture du 1er symposium sur le changement climatique.
Une filière dynamique et innovante, insiste le président du salon professionnel international dédié aux vins et spiritueux, car partout dans le monde elle embrasse les nouvelles technologies et le numérique.
Le président de la Région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, qui a initié ce symposium avec Vinexpo, rappelle que le vin c’est avant tout « des hommes et des femmes. A l’échelle de notre région, c’est plus de 80 000 personnes, peut-être le premier secteur économique et industriel de la région. Aujourd’hui, le problème principal des entreprises, singulièrement en France, ce n’est pas celui du licenciement, mais du recrutement ». Et d’appuyer : « Il y a dans notre société, principalement chez les jeunes, une recherche de sens. Avec la compétence formation et développement économique, la Région participe à la formation pour le travail de la vigne dans les châteaux. Et nous avons des difficultés à recruter des stagiaires. Le thème du changement climatique participe de ce problème de sens. Comment attirer des jeunes dans nos centres de formation en présentant un environnement agricole aussi chimique qu’il l’est aujourd’hui ! »

Un changement de modèle

Pour en avoir longuement discuté avec les négociants, le président de la Région Nouvelle-Aquitaine pose la question à l’assemblée qui réunit professionnels du vin et chercheurs : « Comment partirons-nous à la conquête de nouveaux marchés, sans assurance que notre vin ne renferme ni métaux lourds, ni beaucoup de produits phytosanitaires ? Comment avancerons-nous sans rupture technologique et sans ruptures de travail de la vigne ? D’une certaine manière, c’est une chance énorme pour le monde rural, car nous allons y amener plus de monde. Il faudra certainement un modèle économique différent pour travailler la vigne autrement. C’est la même chose pour l’élevage ou les céréales. C’est un défi dont il faut que nous nous emparions, pour que cette nouvelle organisation se fasse dans les dix années qui viennent. »
La Région Nouvelle-Aquitaine est  déjà engagée dans cette démarche. Elle tiendra d’ailleurs début juillet une séance plénière dédiée à la transition énergétique et écologique, visant à revisiter tous ses dispositifs et politiques qui peuvent l’être, sous l’angle de cette transition. Il devra en ressortir une feuille de route globale pour l’horizon 2030, intitulée Néo Terra. Alain Rousset poursuit : « Notre souci est de basculer sur un autre système et cela ne se fera pas sans accompagnement. Il faut que les grandes organisations professionnelles, les coopératives, les organisations consulaires, les organisations scientifiques, les universités, les lycées agricoles s’inscrivent dans cette démarche. »
Le président de l’INRA, Philippe Mauguin, est justement venu présenter les recherches réalisées par les différents laboratoires de l’institut, dont l’ISVV de Bordeaux. Les scientifiques bordelais participent notamment au projet Laccave qui teste les adaptations possibles et à Vitadapt qui suit 52 cépages plantés à Villenave d’Ornon pour observer leurs réactions au changement climatique.

Un défi relevable

Car comme le rappelle Allan Sichel, président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), il y aura une augmentation de deux degrés et il faut s’en inquiéter, « nous devons regarder comment adapter les méthodes, la taille, la gestion du feuillage, les durées de macération, l’assemblage… »  Le merlot étant mûr plus tôt, et le cabernet sauvignon plus tard, c’est peut-être aussi ce rapport qui sera inversé.
Des défis dont se sont déjà emparés les professionnels comme les vignobles Ducourt témoignant lors de ce symposium. Ils testent depuis 6 ans des cépages résistants pour limiter ainsi les traitements.
Le géographe Jean-Robert Pitte se veut optimiste en appuyant sur la capacité de résilience : « L’homme a les moyens de s’adapter avec un certain nombre de pratiques vertueuses et la vigne est une plante incroyablement adaptable, comme toute la vie sur la Terre ». Catherine Le Page, directrice du Bureau national interprofessionnel du cognac, dont les vignobles ont subi à nouveau le gel début mai, explique que depuis 2016, « nous avons lancé une certification environnementale, qui intègre les spécificités du cognac ». Et de conclure avec cette citation de  René Char : « L’homme est capable de faire ce qu’il est incapable d’imaginer ».

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